[EVASION]
J’ai gravi d’interminables escaliers métastatiques, laissant derrière moi l’intra-cathédrale en pleine éruption. Je me suis retourné sur les marches démultipliées pour contempler la tempête que j’avais semée. Des tentacules architecturaux en pleine croissance, lancés à ma poursuite, digéraient les plates-formes que j’avais traversées, les étouffant sous des strates de béton. Des structures en coupe qui se multipliaient dans les salles où j’étais passé pour les boucher. J’ai esquivé les fosses qui s’ouvraient en plein dallage pour m’avaler, franchi à grand-peine les obstacles qui s’élevaient autour de moi pour m’emmurer. Plié en deux sur mes béquilles, j’ai franchi des seuils qui se resserraient par spasmes pour me digérer. Au-dessus de moi, le plafond bouillonnait.
J’ai claudiqué dans d’obscures travées pour m’échapper de la zone tumorale. D’énormes canalisations se détachaient des murs, et serpentaient en sifflant pour m’écraser. Des câbles arrachés crachaient dans ma direction des volutes de gaz anesthésique. Rien ne pouvait m’arrêter.
Ceci est un appel à l’immobilisme, à l’isolement, à l’enfermement 87:41 l’altération d’un SYSTEME n’est rendue possible que par l’arrêt en chaîne d’une multitude de ses éléments constitutifs 09:65 le chaos et l’ordre, le chaos et l’ordre 55:56 l’effondrement global n’est possible que si les sous-parties interconnectées, nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble, se mettent hors-service simultanément 64:23 entends-nous et désespère 64:05 c’est à ce prix que l’équilibre BASCULERA et que le système se mettra à genoux 54:00
J’ai parcouru les interminables travées du cimetière blindé, là où le souffle orageux du rêve couvrait la vibration des machines-usines à l’œuvre. Les interstices du dallage entre les tombes s’étaient remplis de plomb et ces filaments noirs s’étiraient de loin en loin pour m’atteindre. Le plomb débordait des plaques rectangulaires comme une eau opaque et s’étendait toujours plus vite. Et moi, comme un phare dans la nuit, un pasteur parmi mes bêtes mortes, mon aura onirique ondoyant autour de moi. Moi, appelant de mes vœux la catastrophe finale, la guerre sainte de l’homme contre son univers.
… la jouissance d’un sommeil sans rêve…
… le silence et la paix de l’abîme…
… le vide et l’oubli…
(bruit blanc)